mardi 4 septembre 2012

Le sur-possible espace

Titulaire. 
TZR. 

Toutes ces choses pour prendre de l'air et parfois pour en manquer. Voilà qu'on m'intitule, voilà que je titube entre des établissements et des emplois pour ce fameux temps difficile à quantifier. Y'en a qui se disent que je pars au zoo, que je vais me brûler l'oesophage, dans des aires désertes, utilisant mille dessertes, ramassant des dissertes et des bouts de dictée. Moi, je ne crois pas. Pour l'instant je postule des a-venir possibles et des progrès en serre. 

Titulaire. 
TZR.

Je me demande ce que ça fait de rencontrer ses classes après vingt ans de carrière. Si toujours, il y a ce coup de poing, ce moment de vacillement alors qu'une trentaine de paires d'yeux vous scrute. S'il y a ce vertige et puis ces retrouvailles avec le masque. Celui de la bienveillance et de la fermeté. Celui du prof. On se jauge, et si vous en doutiez, la crainte est réciproque. Nous sommes tous là. Comme des enfants de conte. A se demander à quelle sauce on va être mangé. Si on sera là, les uns contre les autres, et quel sens ça aura. A se dire qu'à la fin de l'année, les noms et les visages me parleront. Que mon nom et leur visage auront eux aussi acquis un sens, un substrat, une connotation. 

En avançant dans ce boulot, je perds mes souvenirs d'élève. Sauf les plus extrêmes. Ceux qui ont changé la donne. Je me demande comment va se construire le nous de la classe, et ce qu'on va construire ensemble. J'espère fort qu'on ne va s'ébrécher mutuellement. C'est terrifiant, cette posture du prof, seul, à la rentrée, devant ce qui n'est encore qu'une masse d'inconnus. Terrifiant mais terriblement joyeux, aussi. Cet instant porte en lui tous les possibles. L'année dernière, il portait beaucoup de crainte. Cette année, je les regarde avec cette peur mêlée d'espoir, d'envie. J'ai presque oublié les litres de larmes dans la voiture et les envie de bousiller les murs à coups de doigts de pied. Je me souviens, mais c'est loin, différent. Tout est à recommencer. 

Je me demande si ça fera ça encore, dans vingt ans. Je me demande surtout si je serai là encore dans vingt ans.  Je n'en ai pas la moindre idée. Mais étrangement, pour la première fois, je me dis que oui, que peut-être, sans parler du lieu, de la manière, que peut-être l'envie de construire sur la durée ce sur-possible espace qu'on appelle une classe. 

Et je me remets à chanter. 

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